ISABEL MIGUEL
Traduction par Miguel Ángel Real
ÉL
Él se acuna en la forma de la risa,
en la luz del anzuelo contra el agua
prodigando la vida frente al tiempo.
Yo entonces no entendía del verso de su boca
ni de su mano ausente.
En un murmullo ciego,
las paredes reclaman su presencia.
LUI
Il se berce dans la forme du rire,
dans la lumière de l'hameçon contre l'eau
prodiguant la vie face au temps.
Je ne comprenais pas alors le vers dans sa bouche
ni dans sa main absente.
Dans un murmure aveugle,
les murs réclament sa présence.
ELLA
Ella enhebra la aguja
descosiendo sus ojos en puntadas
y la radio fundiéndose en la tela.
Nosotras, puro juego,
desollamos la calle,
preservando la piel para el mañana.
Nunca tuvo mi tiempo más urgencia.
ELLE
Elle enfile l'aiguille
et découd ses yeux à chaque point :
la radio se fond dans la toile.
Nous, jeu pur,
nous écorchons la rue,
préservant la peau pour le lendemain.
Jamais mon temps ne fut plus urgent.
DESAHUCIO
Se llamaba María
y tenía su casa
muy cerca de la tuya.
Y hace días, muy pocos, que no vive.
Hace días que no sale a la compra,
que no asoma su rostro a la ventana,
que no sueña
ni habla
ni respira.
Se ha vencido en el caos de la crisis
al terror del desahucio y del vacío.
Así mueren los pobres,
en silencio,
en el gris abandono de sus vidas,
sin conocer el grito de su fuerza,
su protesta en un coro de gargantas.
Y culpo a la avaricia,
a los mercados,
a los que nos gobiernan pese a todo,
de esta muerte.
Se llamaban María, Ana o Luisa,
poco importan sus nombres.
Su silencio es ahora
el fin de los silencios.
EXPULSION
Elle s'appelait María
et sa maison était
très près de la tienne.
Et depuis quelques jours, elle n'y habite plus.
Cela fait des jours qu'elle ne va plus faire les courses,
qu'elle ne montre pas son visage à la fenêtre,
qu'elle ne rêve
ni ne parle
ni ne respire.
Elle a été vaincue dans le chaos de la crise
par la terreur de l'expulsion et du vide.
Ainsi meurent les pauvres,
en silence,
dans l'abandon gris de leurs vies,
sans connaître le cri de leur force,
leurs protestations dans un chœur de gorges.
Et je blâme l'avarice,
les marchés,
ceux qui nous gouvernent malgré tout,
pour cette mort.
Elles s'appelaient María, Ana ou Luisa,
peu importent leurs noms.
Leur silence est maintenant
la fin des silences.
En qué la lágrima.
Si hay un talud de escombros y una mano.
Si hay una marcha-huida en el camino
y el peso del adiós rompe en la espalda.
En qué la lágrima.
Si hay hambre que es angustia y es futuro.
Si hay un temblor que llora en cada niño
y la muerte se esconde en sus zapatos.
Cuándo, dónde la lágrima.
Si una profunda arruga está tallando
su rictus de dolor en cada rostro.
El mar es tumba y llanto
para sus ojos secos.
En quoi les larmes.
S'il y a un talus de décombres et une main.
S'il y a une marche-fuite sur le chemin
et que le poids de l'adieu se brise sur le dos.
En quoi les larmes.
S'il y a la faim, qui est angoisse et avenir.
S'il y a un tremblement qui pleure dans chaque enfant
et que la mort se cache dans leurs chaussures.
Quand, où les larmes.
Si une ride profonde taille
son rictus de douleur sur chaque visage.
La mer est une tombe, des pleurs
pour ses yeux desséchés.
MURO
Dice tapia, pared
y digo muro.
Dice hormigón creciente
y digo llaga.
No es cicatriz, es larga herida abierta
de sangre triste y aciago recorrido.
Digo paz y aparece
herida la paloma.
Digo libre y justicia
y sus colores saltan,
salpican la grisura
e impregnan el cemento,
pero no lo derriban.
El muro fagocita
las ideas más nobles.
MUR
On dit cloison, paroi
et moi je dis mur.
On dit béton croissant
et moi je dis plaie.
Ce n'est pas une cicatrice, mais une longue blessure béante
au sang triste et au parcours funeste.
Je dis paix et elle apparaît
blessée, la colombe.
Je dis libre et justice
et ses couleurs sautent,
elles éclaboussent la grisaille
et imprègnent le ciment,
mais ne l'abattent pas.
Le mur phagocyte
les idées les plus nobles
AGUIJÓN
En un chispazo, la certeza
de ser ya cuerpo herido.
La carne es una masa.
La carne es la apariencia y tu figura.
La carne que se apega a tanta carne.
Renunciar a la masa y no a tu cuerpo
y despedirte en ella de una etapa.
Adivinar en ese aguijonazo
el coste trascendente de estar viva.
DARD
Sur une étincelle, la certitude
d'être déjà un corps blessé.
La chair est une masse.
La chair est l'apparence et ta figure.
La chair qui s'attache à tant de chair.
Renoncer à la masse et pas à ton corps
et en elle prendre congé d'une étape.
Deviner dans ce coup de dard
le coût transcendant d'être vivante.
En la sal y la espuma,
en la umbría del árbol
entierro el rugido del hueso,
el feroz alarido de la carne.
La atávica certeza
y el arcano misterio
ocultos en la flor que alienta,
en el vigor pujante de la savia.
Como la piel,
la arena guarda
la pertinaz certidumbre del tiempo.
Dans le sel et l'écume,
dans l'ombre de l'arbre
j'enterre le rugissement de l'os,
le hurlement féroce de la chair.
La certitude atavique
et le mystère arcane
cachés dans la fleur qui t'encourage,
dans la vigueur puissante de la sève.
Comme la peau,
le sable garde
la certitude obstinée du temps.
Apenas se sucede la eclosión,
cada pequeña larva emprende la tarea.
Trabajo y alimento crean surcos,
dejan rastro de quera tras su paso.
Galerías, caminos, galerías.
Buscando qué futuro, qué salida.
Con su trabajo lento y continuado
apuntan destrucción a este presente.
Todo terminará en la tristeza,
así es su carcoma.
L'éclosion se succède à peine,
chaque petite larve se met à la tâche.
Le travail et l'aliment créent des sillons,
laissent des traces de termite après leur passage.
Des galeries, des chemins, des galeries.
À la recherche de quel avenir, de quelle issue.
Par leur besogne lente et continue
elles visent la destruction de ce présent.
Tout s’achèvera dans la tristesse,
telle est leur vermoulure.